Cette affiche provient de la collection de la librairie musicale Orgeret, installée à Lyon pendant près de 70 ans. Figure de référence en édition de chansons populaires, le magasin proposait sketches, pièces de Guignol, disques 78 tours, vendait et éditait des partitions. Il n’est donc pas [...]
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Cette affiche provient de la collection de la librairie musicale Orgeret, installée à Lyon pendant près de 70 ans. Figure de référence en édition de chansons populaires, le magasin proposait sketches, pièces de Guignol, disques 78 tours, vendait et éditait des partitions. Il n’est donc pas surprenant d’y rencontrer cette affiche annonçant la sortie d’une partition en 1941, aux éditions Paul Beuscher, fameuse maison d’instruments de musique et, depuis 1940, maison d’"édition des vedettes" de la chanson. La vedette est ici Elyane Celis, que l’on surnomma "le rossignol du music-hall", chanteuse soprano d’origine belge qui fit carrière en France. Si vous pensez n’avoir jamais entendu sa voix si haute perchée, sachez qu’il est tout à fait possible que vous vous trompiez : elle enregistre en 1937 "Un jour mon prince viendra" tiré de Blanche Neige de Walt Disney. Elle ne double pas la belle dans le film d’animation, mais prête sa voix pour la version enregistrée en 78 tours. Quatre ans plus tard, en 1941, Elyane Celis enregistre deux titres, édités en 78 tours chez "La voix de son maitre", label au célèbre logotype représentant un chien écoutant avec attention le son produit par un gramophone. En France, c’est le temps de l’Occupation. Deux chansons françaises coexistent à cette époque : une anonyme, d’opposition et de résistance, exilée à Londres et diffusée par la BBC. Une autre, plus insouciante, qui a pour vocation de divertir et de remonter le moral du pays, se diffuse sur Radio-Paris, l’ancienne radio nationale placée sous la direction de la Propaganda-Abteilung Frankreich dès juillet 1940. C’est dans ce type de chanson française-là que l’on retrouve Elyane Celis. Le premier titre, "Aragonaise" (musique de Georges Stalin et paroles de Marcel Delmas) raconte l’amour de Pedro, conducteur d’un attelage pour une aragonaise aux "grands yeux de braise". Le second, chanté à la première personne "Tu m’apprendras" (paroles Fred Dolys et musique de Paule Muray) est une ode au sentiment amoureux. Graphiquement, cette affiche synthétise deux visuels préexistants. On trouve en haut à gauche la gravure d’un certain Cralliant, tiré de la partition de l’"Aragonaise", figurant une diligence conduite par "Pedro, le joyeux postillon" moustachu. Le portrait de la chanteuse, inspiré d’une photo publiée sur la partition de "Tu m’apprendras", est une illustration de George Grassiant. Le résultat final de ce collage est signé "Thi". On ne connaît que peu de choses de ces artistes, si ce n’est que Cralliant et Grassiant signèrent nombre de gravures pour les couvertures de partitions éditées chez Paul Beuscher dans les années 40. On ne sait rien, en revanche, de ce mystérieux "Thi". Enfin, le petit encadré en bas à droite de l’affiche contenant le texte « Oraff 138, Champs-Elysées, Paris » nous indique que l’impression de cette publicité avait été validée par l’O.R.A.F.F. (Office de Répartition de l’Affichage). Créé par les autorités allemandes en 1941, il contrôlait et réglementait les tirages de toutes les affiches non politiques dans le but d’économiser les stocks de papier - la priorité étant donnée bien évidemment aux affiches de guerre - et de censurer ce qui aurait pu porter préjudice à l’occupant.
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