« Où sont les femmes ? » JULIE-VICTOIRE DAUBIE, Première bachelière
Sa candidature refusée à Paris et après un an de démarches, elle obtient l’autorisation de passer le bac à Lyon. Elle devient la première femme bachelière le 16 août 1861, et ne s’arrête pas là. Elle est la première femme à obtenir sa licence, alors même que l’accès aux cours de la Sorbonne est interdit aux femmes ! Elle commencera un doctorat qui restera inachevé à cause de sa mort. Engagée pour les droits des femmes, et notamment l’accès à l’enseignement, elle ouvre la voie à toute une génération de bachelières par sa ténacité et son envie d’apprendre.
Julie-Victoire Daubié (1824-1874) est la première femme en France ayant obtenu le droit de se présenter au baccalauréat. Elle voit le jour dans la maison dite des Commis de la Manufacture royale de Bains-les-Bains, dans les Vosges. Sa famille fait partie de la petite bourgeoisie catholique fontenaicastrienne. Elle est la huitième enfant dans sa famille et a vingt mois à la mort de son père.
Après avoir étudié le grec ancien et le latin avec son frère aîné, l'abbé Joseph Florentin, Julie-Victoire Daubié présente sa candidature au bac à Paris sans succès. Sa candidature est refusée au seul prétexte qu'elle est une femme. Pourtant, aucun texte n'interdit aux femmes l'accès à l'Université. Ce n'est qu'après un an de démarches qu'elle finit par s'inscrire à Lyon, montrant qu'aucune loi n'interdisait aux femmes de se présenter à cet examen.
Portrait de Julie-Victoire Daubié, photographie de Pierre Petit (1832–1909). Source : wikimédia commons, Bibliothèque Marguerite Durand, Paris
Enfin, le 16 août 1861, elle obtint son baccalauréat en totalisant 6 boules rouges, 3 boules blanches, 1 boule noire. A cette époque, les professeurs ne calculaient pas des moyennes, ils votaient selon ce système de boules de couleur. Une boule rouge signifiait un avis favorable, une boule blanche, une abstention, une noire, un avis défavorable.
Mais elle doit encore attendre longtemps son diplôme : sous prétexte « qu’il ridiculiserait le ministère de l’instruction publique », le ministre Gustave Rouland refuse de le signer. La signature de son diplôme demanda une autre année de démarches et une intervention pressante de l'impératrice Eugénie de Montijo, la femme de l’empereur Napoléon III.
La femme pauvre au XIXe siècle ouvrage couronné par l'Académie de Lyon. Julie-Victoire Daubié, 1866. (BmL, 398040). Ce premier mémoire de Julie-Victoire Daubié n’est publié qu’en 1866. Il aborde les questions de l’amélioration de l’instruction des filles, l’emploi des femmes, et la situation des veuves et des célibataires. Ce livre a reçu un prix à l’exposition universelle de 1867.
En savoir plus : Bard Christine et Chaperon Sylvie, Dictionnaire des féministes, France XVIIIE-XXIe siècle, PUF, 2017.
Du progrès dans l'instruction primaire justice et liberté. Julie-Victoire Daubié, 1862. (BmL, 443086). Mémoire adressé en 1861 au ministère de l’instruction publique en réponse à un concours portant sur l’école dans les communes rurales. Très critiqué, le texte a été écarté du concours. L’ouvrage publié en 1862 relance le débat sur l’enseignement religieux et l’enseignement féminin. Le livre est édité sans la signature de l’auteure mais Julie-Victoire Daubié se présente dans le texte comme diplômée, membre de droit de l’enseignement public et, « à titre de femme, […] repoussée de tout emploi public ».
En savoir plus : Bard Christine et Chaperon Sylvie, Dictionnaire des féministes, France XVIIIE-XXIe siècle, PUF, 2017.
Julie-Victoire Daubié ne s’arrête pas là et décide de continuer. Elle est la première femme à préparer sa licence. A cette époque, il était interdit aux femmes d’aller en cours, bien qu’elles aient le droit de présenter le diplôme. Elle réussit son examen et obtient sa licence en 1872 alors même qu’elle n’a pas pu accéder aux cours de la Sorbonne ! Combative et déterminée, elle poursuit ses ambitions et commence à préparer un diplôme de doctorat, mais elle décèdera avant d’avoir pu y parvenir.
Julie-Victoire Daubié reste dans les esprits comme une grande figure qui a lutté pour la reconnaissance de nombreux droits aux femmes : accès à l’enseignement et à la formation professionnelle, vote des femmes, défense des enfants adultérins privés de droits par le code Napoléon. Aujourd'hui, plusieurs écoles en France portent son nom et une salle à l’université Claude Bernard de Lyon 1 à son nom a été inaugurée en 2008.
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Ce portrait est un extrait des balades urbaines « Où sont les Femmes ? » proposées par l’association Filactions.
Qu'elles soient artistes, poétesses ou réalisatrices, militantes, résistantes ou gastronomes, nombreuses sont les femmes qui ont laissé leur empreinte dans notre ville, sans être pour autant connues du grand public. Venez découvrir la ville à travers les lieux qui rendent hommage à des femmes qui ont marqué leur temps, par leurs idées, leurs actions, leur métier.
Vous pouvez trouver plus d’informations sur notre association et nos balades urbaines sur notre site www.filactions.org ou sur Facebook Filactions Asso.